Comme je le dis souvent, j'ai la chance d'avoir une famille où l'amour n'a jamais manqué. Je sais que ce n'est pas le cas de tout le monde et que finalement les vieilles histoires n'intéressent que les vieilles gens. Pourtant, si vous lisez ce qui suit je suis sûre que vous allez sourire.
Mon arrière-grand était fils d'ouvriers agricoles dans le Cap Sizun à l'aube du vingtième siècle. Jean-Noël avait décroché son certificat d'études et venait de commencer un apprentissage de forgeron dans son village. Même si il n'avait jamais été plus loin que Pont-Croix, il savait au fond de lui que si il voulait un meilleur avenir que ses parents, et ne plus dormir dans le même lit clos de son frère, il lui fallait partir.
Alors il partit à pied, s'engager dans la Marine à Brest. Il avait 15 ans et ne savait pas ce que l'avenir lui préparait. Son destin et son intelligence firent de lui un sous-officier mécanicien sur les sous-marins. Il fit 4 ans de guerre sur et sous l'eau, manquant de perdre la vie dans le détroit des Dardanelles et allant pointé son périscope devant le cuirassé Potemkine. Voilà comment la grande histoire est faite de "petits hommes".
Au retour de la guerre, il retrouva Anne qu'il avait laissé petite fille et retrouvait jeune-femme. Mes arrières grands-parents tombèrent vraiment amoureux l'un de l'autre. Anne était aussi menue que Jean-Noël massif, elle aussi vive que lui débonnaire. Il pouvait la soulever d'un bras pour l'embrasser. Ils se marièrent et Jean-Noël reprit la mer, avec un nouveau but: offrir à sa femme une maison, une vraie, une belle, une comme les patrons. Il s'embarqua pour deux tours du monde en tant qu'instructeur sur la Jeanne d'arc, avec pour seul objectif la toute petite Anne si frêle avec sa coiffe et son costume breton. Ils choisirent de faire construire leur maison sur la côte à ras la lande avec une vue sur la baie de douarnenez pour que Anne puisse voir rentrer le bateau de Jean-Noël. Elle commandait les travaux, il envoyait l'argent. Le hasard voulut que la maison fut finit le jour même où la Jeanne d'arc ramenait mon arrière-grand mère à la maison. Elle se fit hisser sur le toit pour mieux voir le bateau arriver.
La vie fit son œuvre d'embarquement en débarquement, de broderie en broderie (Anne était brodeuse). Ils eurent un petit garçon qu'ils perdirent de la méningite attendant des heures un médecin qui ne prit jamais la peine de se déplacer. Pourtant il trouvèrent le courage d'avoir une petite fille, ma grand-mère.
Dans les années soixante, le cœur de Jean-Noël s'éteignit doucement d'avoir passer plus de 18 ans sous l'eau. Anne porta son deuil plus de trente ans, sous sa coiffe, avant de le rejoindre sous l'épaisse dalle de granit qu'elle avait choisi pour lui.
Tous les jours, ils me rendent fière et heureuse de les avoir eu pour arrière grand-parents, j'espère connaître une vie conjugale aussi belle que la leur. Nous vivons tous dans leur maison depuis ce fameux jours où Anne est montée sur le toit et tous les jours je pense un peu à eux.
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